Les Comprachicos


Que se passerait-il si des personnes ayant acheté des enfants normaux, bien formés, mutileraient de façon professionnelle leurs jeunes corps pour créer des monstres splendides dans le but de s'en moquer ? Que se passerait-il si leur formule était :

"Prenez un enfant de deux ou trois ans, mettez-le dans un vase de porcelaine plus ou moins grotesque, lequel n'a ni fond ni couvercle, pour permettre une sortie à la tête et aux pieds. Pendant le jour le vase est debout, et la nuit il est couché pour permettre à l'enfant de dormir. L'enfant épaissit sans grandir, remplissant avec la chair comprimée et les os déformés les reliefs dans le vase. Ce développement dans une bouteille continue plusieurs années. Après un certain temps il devient irréparable. Lorsqu'ils considèrent que cela est accompli, et le monstre est créé, ils brisent le vase. L'enfant sort -- et, voyez! voici un homme de la forme d'un pot !

"C'est pratique ; en commandant votre nain de bonne heure vous êtes capable de l'avoir de la forme que vous souhaitez."

Victor Hugo
"L'homme qui rit"

  Impossible ? Personne ne peut être aussi méchant ? ...Pendant le 17ème siècle, des bandes organisées de Gypsies nommés comprachicos (de comprapequenos, le mot espagnol pour acheteurs d'enfants) ont développé la profession de créer des monstres humains à partir d'enfants pour l'amusement blasé des maîtres néotricheurs et des mystiques de l'Europe -- la royauté du gouvernement et de l'Eglise.

Est-ce que cette période représentait le sommet du mal envers les enfants ? Pas du tout. Aujourd'hui, les comprachicos existent en masse à travers le monde. Et ils commettent des crimes encore plus graves en créant des enfants moins sensationnels, mais éventuellement plus sérieusement mutilés que leurs homologues. Pourtant, leurs mutilations sont plus facilement ignorées ou même acceptées par le public.

Qui sont les comprachicos modernes ? Et quelles formes prennent leurs mutilations ? Un groupe se spécialise à déformer le corps extérieur tout en endommageant de façon permanente les organes internes. Ils produisent des adultes incapables d'expérimenter des vies heureuses, saines, romantiques. Ces comprachicos modernes fréquentent, par exemple, les kiosques où l'on vend de la crème glacée. En grands nombres, ces comprachicos empiffrent les enfants avec des quantités massives de la drogue la plus largement destructrice de toutes les drogues qui provoquent la dépendance -- le sucre. Un sédatif qui provoque la dépendance, le sucre démontre une profonde toxicité à long terme envers le corps humain et ses organes. Le sucre endommage graduellement et de façon irréversible le système métabolique et les organes internes tout en gonflant le corps en des formes grotesques, malsaines.

Ceux qui produisent des malheureux drogués par le sucre en mutilant de façon permanente leurs corps tout en endommageant leurs organes commettent des crimes qui sont plus profondément destructeurs que la plupart des crimes de molestation et d'abus des enfants. De plus, ces comprachicos modernes sont plus coupables que leurs homologues du 17ème siècle. Les comprachicos originaux gardaient leurs enfants relativement sains pour obtenir un meilleur prix au marché. Ils n'endommageaient pas le métabolisme ou les organes internes des enfants. Aussi, ces comprachicos du 17ème siècle mutilaient les enfants des autres personnes pour de l'argent. Toutefois, les comprachicos modernes mutilent leurs propres enfants pour rien de plus que la rationalisation de leur propre surplus de poids ou leurs problèmes d'estime de soi en se réfugiant dans le mysticisme.

Peut-on faire quelque chose de pire aux enfants? Oui, quelque chose de pire : par nature, l'esprit d'un enfant est honnête, innocent et s'efforce de comprendre la vérité. C'est pendant la période la plus vulnérable de formation dans le développement de la pensée, de la compétence, de la connaissance, de l'honnêteté, de l'intégrité d'un enfant que la plupart des parents et autres adultes traumatisent et estropient cet esprit fragile de l'enfant avec des doses massives de malhonnêtetés mystiques. Ils font cela de force nourrissant l'enfant avec des doses constantes de mythes altruistes ou religieux de toute évidence malhonnêtes à propos des esprits, de Dieu, du Père Noël. De telles malhonnêtetés sont l'antithèse de la connaissance, de la vérité et de la justice. Et de telles attaques répétées contre l'esprit et le caractère nouvellement développés de l'enfant peuvent infliger de profonds dommages permanents -- souvent induisant les premiers pas non naturels vers le développement d'un mystique malhonnête ou un néotricheur destructeur.

Et des crimes encore plus sévères contre les enfants sont commis sur une grande échelle dans la plupart des écoles et universités publiques aujourd'hui. Les auteurs sont la majorité d'éducateurs et de philosophes de ce monde. En appliquant les idées "progressives" anti-éducatives d'abord avancées par le maître comprachicos, John Dewey, au tournant du siècle, ils détruisent méthodiquement l'efficacité de l'esprit humain. Par millions, ils convertissent des enfants impatients, recherchant la connaissance en des têtes en l'air léthargiques, impuissants incapables de réaliser la prospérité honnête et le bonheur authentique. De plus, ces comprachicos supportés par les écoles et les églises entraînent activement des millions d'enfants à vivre malhonnêtement -- à vivre non en produisant des valeurs pour les autres, mais en usurpant brillamment des valeurs aux autres. En effet, ils entraînent les enfants pour devenir des mystiques et des néotricheurs. Car, ces comprachicos modernes doivent toujours continuer à générer des mystiques et des néotricheurs de façon à perpétuer le canular destructeur du mysticisme.

Qui protégera les enfants innocents de ces crimes ? Néo-Tech peut et protégera éventuellement tous les enfants de tels crimes. Et chaque lecteur Néo-Tech peut aider à protéger les enfants en prenant la parole : une réponse appropriée aux comprachicos modernes (qui poursuivent leurs mutilations du corps et de l'esprit en pleine vue d'un public qui accepte silencieusement) est d'identifier ouvertement les dommages infligés aux enfants innocents, particulièrement ces enfants piégés dans le système d'éducation public.

Tous les enfants sont nés innocents et dotés de potentiel illimité pour des vies heureuses, productives. Pour les protéger des comprachicos d'aujourd'hui, I & O Publishing Company prépare des ensembles Néo-Tech pour les enfants de premier niveau et du niveau collège -- ou lycée. Les commentaires sont désirés de la part de tous les propriétaires Néo-Tech au sujet de la protection des enfants des mystiques et des néotricheurs. Ce projet a aussi besoin d'individus Néo-Tech pour y travailler. Envoyer s.v.p. la correspondance concernant "Néo-Tech pour les enfants" à John Flint, casier postal 19358, Las Vegas, NV 89132.

Dans l'Angleterre du XVIIe siècle sévissaient encore, avant que la justice ne mette un terme à leur odieuse activité, des bandes de comprachicos*. Ceux-ci faisaient commerce d'enfants. Ils les achetaient, puis les vendaient après savantes transformations. Leur art consistait à déformer les jeunes visages, les jeunes corps, à transformer les enfants en monstres : nains, bossus, grimaciers afin de fournir aux grands de ce monde, des bouffons, au peuple, des attractions de foires.

Gwynplaine était un produit particulièrement réussi de cet "art" qui (lui) avait fendu la bouche, dénudé les gencives, distendu les oreilles, … désordonné les sourcils et les joues…". Ainsi son visage était devenu comme un masque vivant, animé d'un rire perpétuel : "bouche s'ouvrant jusqu'aux oreilles, oreilles se repliant sur les yeux, nez informe…". Gwynplaine se produisait sur les foires où l'apparition de son visage, habilement mise en scène, provoquait un rire irrésistible. Son succès était énorme et assuré ; on revenait inlassablement le voir pour rire. D'où le surnom que la foule lui avait attribué : "l'homme qui rit".

Qui connait à cette heure le mot comprachicos? et qui en sait le sens?

Les comprachicos, ou comprapequeños, étaient une hideuse et étrange affiliation nomade, fameuse au dix-septième siècle, oubliée au dix-huitième, ignorée aujourd'hui. Les comprachicos sont, comme «la poudre de succession», un ancien détail social caractéristique. Ils font partie de la vieille laideur humaine. Pour le grand regard de l'histoire, qui voit les ensembles, les comprachicos se rattachent à l'immense fait Esclavage. Joseph vendu par ses frères est un chapitre de leur légende. Les comprachicos ont laissé trace dans les législations pénales d'Espagne et d'Angleterre. On trouve ça et là dans la confusion obscure des lois anglaises la pression de ce fait monstrueux, comme on trouve l'empreinte du pied d'un sauvage dans une forêt.

Comprachicos, de même que comprapequenos, est un mot espagnol composé qui signifie «les achète-petits_».

Les comprachicos faisaient le commerce des enfants.

Ils en achetaient et ils en vendaient.

Ils n'en dérobaient point. Le vol des enfants est une autre industrie.

Et que faisaient-ils de ces enfants?

Des monstres.

Pourquoi des monstres?

Pour rire.

Le peuple a besoin de rire; les rois aussi. Il faut aux carrefours le baladin; il faut aux louvres le bouffon. L'un s'appelle Turlupin, l'autre Triboulet.

Les efforts de l'homme pour se procurer de la joie sont parfois dignes de l'attention du philosophe,

Qu'ébauchons-nous dans ces quelques pages préliminaires? un chapitre du plus terrible des livres, du livre qu'on pourrait intituler: l'Exploitation des malheureux par les heureux.

 

II

Un enfant destiné à être un joujou pour les hommes, cela a existé. (Cela existe encore aujourd'hui.) Aux époques naïves et féroces, cela constitue une industrie spéciale. Le dix-septième siècle, dit grand siècle, fut une de ces époques. C'est un siècle très byzantin; il eut la naïveté corrompue et la férocit délicate, variété curieuse de civilisation. Un tigre faisant la petite bouche, Mme de Sévigné minaude à propos du bûcher et de la roue. Ce siècle exploita beaucoup les enfants; les historiens, flatteurs de ce siècle, ont caché la plaie, mais ils ont laiss voir le remède, Vincent de Paul.

Pour que l'homme-hochet réussisse, il faut le prendre de bonne heure. Le nain doit être commencé petit. On jouait de l'enfance. Mais un enfant droit, ce n'est pas bien amusant. Un bossu, c'est plus gai.

De là un art. Il y avait des éleveurs. On prenait un homme et l'on faisait un avorton; on prenait un visage et l'on faisait un mufle. On tassait la croissance; on pétrissait la physionomie. Cette production artificielle de cas tératologiques avait ses règles. C'était toute une science. Qu'on s'imagine une orthopédie en sens inverse. Là où Dieu a mis le regard, cet art mettait le strabisme. Là où Dieu a mis l'harmonie, on mettait la difformité. Là où Dieu a mis la perfection, on rétablissait l'ébauche. Et, aux yeux des connaisseurs, c'était l'ébauche qui était parfaite. Il y avait également des reprises en sous-oeuvre pour les animaux; on inventait les chevaux pies; Turenne montait un cheval pie. De nos jours, ne peint-on pas les chiens en bleu et en vert? La nature est notre canevas. L'homme a toujours voulu ajouter quelque chose à Dieu, L'homme retouche la création, parfois en bien, parfois en mal. Le bouffon de cour n'était pas autre chose qu'un essai de ramener l'homme au singe. Progrès en arrière. Chef-d'oeuvre à reculons. En même temps, on tâchait de faire le singe homme. Barbe, duchesse de Cleveland et comtesse de Southampton, avait pour page un sapajou. Chez Françoise Sutton, baronne Dudley, huitième pairesse du banc des barons, le thé était servi par un babouin vêtu de brocart d'or que lady Dudley appelait «mon nègre». Catherine Sidley, comtesse de Dorchester, allait prendre séance au parlement dans un carrosse armorié derrière lequel se tenaient debout, museaux au vent, trois papions en grande livrée. Une duchesse de Medina-Coeli, dont le cardinal Polus vit le lever, se faisait mettre ses bas par un orang-outang. Ces singes montés en grade faisaient contrepoids aux hommes brutalisés et bestialisés. Cette promiscuité, voulue par les grands, de l'homme et de la bête, était particulièrement soulignée par le nain et le chien. Le nain ne quittait jamais le chien, toujours plus grand que lui. Le chien était le bini du nain. C'était comme deux colliers accouplés. Cette juxtaposition est constatée par une foule de monuments domestiques, notamment par le portrait de Jeffrey Hudson, nain de Henriette de France, fille de Henri IV, femme de Charles Ier.

Dégrader l'homme mène à le déformer. On complétait la suppression d'état par la défiguration. Certains vivisecteurs de ces temps-là réussissaient très bien à effacer de la face humaine l'effigie divine. Le docteur Conquest, membre du collège d'Amen-Street et visiteur juré des boutiques de chimistes de Londres, a écrit un livre en latin sur cette chirurgie à rebours dont il donne les procédés. A en croire Justus de Carrick-Fergus, l'inventeur de cette chirurgie est un moine nomm Aven-More, mot irlandais qui signifie Grande Rivière.

Le nain de l'électeur palatin, Perkeo, dont la poupée—ou le spectre—sort d'une boîte à surprises dans la cave de Heidelberg, était un remarquable spécimen de cette science très variée dans ses applications.

Cela faisait des êtres dont la loi d'existence était monstrueusement simple: permission de souffrir, ordre d'amuser.

 

III

Cette fabrication de monstres se pratiquait sur une grande échelle et comprenait divers genres.

Il en fallait au sultan; il en fallait au pape. A l'un pour garder ses femmes; à l'autre pour faire ses prières. C'était un genre à part ne pouvant se reproduire lui-même. Ces à peu près humains étaient utiles à la volupté et à la religion. Le sérail et la chapelle Sixtine consommaient la même espèce de monstres, ici féroces, là suaves.

On savait produire dans ces temps-là des choses qu'on ne produit plus maintenant, on avait des talents qui nous manquent, et ce n'est pas sans raison que les bons esprits crient à la décadence. On ne sait plus sculpter en pleine chair humaine; cela tient à ce que l'art des supplices se perd; on était virtuose en ce genre, on ne l'est plus; on a simplifié cet art au point qu'il va bientôt peut-être disparaître tout à fait. En coupant les membres à des hommes vivants, en leur ouvrant le ventre, en leur arrachant les viscères, on prenait sur le fait les phénomènes, on avait des trouvailles; il faut y renoncer, et nous sommes privés des progrès que le bourreau faisait faire à la chirurgie,

Cette vivisection d'autrefois ne se bornait pas à confectionner pour la place publique des phénomènes, pour les palais des bouffons, espèces d'augmentatifs du courtisan, et pour les sultans et papes des eunuques, Elle abondait en variantes. Un de ces triomphes, c'était de faire un coq pour le roi d'Angleterre.

Il était d'usage que, dans le palais du roi d'Angleterre, il y eût une sorte d'homme nocturne, chantant comme le coq. Ce veilleur, debout pendant qu'on dormait, rôdait dans le palais, et poussait d'heure en heure ce cri de basse-cour, répété autant de fois qu'il le fallait pour suppléer à une cloche. Cet homme, promu coq, avait subi pour cela en son enfance une opération dans le pharynx, laquelle fait partie de l'art décrit par le docteur Conquest. Sous Charles II, une salivation inhérente l'opération ayant dégoûté la duchesse de Portsmouth, on conserva la fonction, afin de ne point amoindrir l'éclat de la couronne, mais on fit pousser le cri du coq par un homme non mutilé. On choisissait d'ordinaire pour cet emploi honorable un ancien officier. Sous Jacques II, ce fonctionnaire se nommait William Sampson Coq, et recevait annuellement pour son chant neuf livres deux schellings six sous[1].